Les locaux de mon ancien job étaient grands. Très grands. C'était un complexe de bâtiments, de différentes époques, empilés ou accolés, qui formaient un labyrinthe.
Les chiottes les plus proches de mon bureau étaient vétustes. Exiguës, sans ventilation, et avec cette odeur d'égouts tellement présente qu'on a l'impression qu'elle sortait des murs. Mais surtout il n'y en avait qu'une.
Le temps qu'on coule un bronze, il était certain qu'une personne se saisisse de la poignée et la secoue pour vérifier que c'était effectivement verrouillé et pas coincé. L'odeur générale associée à nos propres effluves et aux traces indélébiles jaunes dans la cuvette nous rendaient honteux. On ne voulait surtout pas qu'un collègue nous associe à cette horreur. On attendait alors que la personne abandonne, ce qui ne durait jamais très longtemps.
Un jour, en allant dans un bâtiment plus moderne, je passais devant une porte de toilettes pour handicapés. Il n'y avait, à ma connaissance, aucun handicapé moteur dans ce bâtiment, mais les normes imposent ces toilettes dans tous les bâtiments récents.
Ayant une envie pressante d'uriner, j'ouvris la porte, et je fut ébahis. Ce petit coin était énorme. Plus grand que mon salon. Avec, au milieu, un trône, et dans un coin un lavabo. Les gens n'allant pas dans ces toilettes réservées pour personne, elles étaient étincelantes. Il y avait du PQ, le sèche mains était sec, la cuvette étincelante. L'agent d'entretien devait passer chaque jour, car chaque jour le sol était étincelant. C'était comme quand vous rentrez dans votre chambre d'hôtel le soir et que tout est en ordre.
Pendant des années, elles furent MES chiottes.