Communiqué #UnionCommunisteLibertaire
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Nouvelle loi sur la fin de vie : un danger dans une société validiste et capitaliste
Le 12 mai, les débats sur la « proposition de loi relative au droit à l’aide à mourir » ont été entamés à l’Assemblée nationale, relançant un processus législatif suspendu depuis la dissolution parlementaire de l’an dernier. Ce projet de loi — tant attendu par la gauche institutionnelle et par Macron en quête d’un vernis progressiste — est critiqué par toutes les organisations de lutte antivalidiste par son caractère validiste et ses potentielles dérives eugénistes. Il sera soumis au vote le 27 mai à l’Assemblée, mais ne semble inquiéter personne.
Ce projet de loi, censé prolonger les lois Claeys-Leonetti, en trahit l’esprit. Celles-ci permettent aux patientes et patients subissant des douleurs réfractaires aux traitements et dont le pronostic vital est engagé à court terme de recourir à la sédation profonde et continue jusqu’au décès. Elles encadrent également les possibilités de prise de décision quand la personne concernée n’est plus elle-même en capacité d’exprimer sa volonté, via les directives anticipées et la désignation d’une personne de confiance. Les promoteurs du nouveau projet de loi laissent croire que les personnes en fin de vie sont actuellement condamnées à souffrir dans l’attente de la mort, niant l’existence de ces dispositifs existants.
Une dérive libérale
Cette loi est vendue comme un progrès inéluctable, une avancée de l’autonomie individuelle : « Mon corps, mon choix ». Mais dans une société inégalitaire, cette autonomie et liberté de choix sont illusoires et omettent les conditions matérielles d’existence des personnes qui auraient recours à ce « choix ». Une frange de l’opinion publique s’oppose de longue date à la légalisation de l’euthanasie au nom de principes moraux, conservateurs, religieux, dans la défense d’une vision sacralisée de la vie. Les mouvements antivalidistes se sont aussi emparés de la critique des conséquences de cette légalisation, mais sur la base d’une analyse de notre société matérialiste et anticapitaliste. Le collectif Jusqu’au bout solidaires dit dans son manifeste « Comment peut-on justifier de permettre aux personnes fragiles de mourir, alors qu’elles ne reçoivent pas l’aide nécessaire pour vivre dans la dignité ? L’euthanasie n’est pas une réponse à la souffrance, mais un aveu d’échec de notre société à protéger les personnes les plus démunies ».
Partout où l’on a légalisé l’« aide à mourir », les critères d’éligibilité se sont rapidement étendus : personnes handicapées, psychiatrisées, âgées, enfants en Belgique… Au Canada, on discute de reconnaître la pauvreté comme raison pour accéder à l’euthanasie. Cette loi envoie un message clair à des personnes vulnérables : leur vie coûte « trop cher » et est « trop lourde » à porter pour la société. Quelle « liberté » y a-t-il à accepter une euthanasie quand les services publics sont démantelés, les lois mal connues et mal appliquées, les souffrances parfois mal soulagées par manque d’accès à des soins adaptés, quand les soignants sont à bout de souffle et en manque de formation aux soins palliatifs ?
Ce choix prétendument libre se heurte à la réalité des inégalités sociales et impacte différemment les groupes sociaux opprimés. Les groupes sociaux sur-représentés dans les statistiques de comportements suicidaires (femmes, personnes trans) seront aussi les plus susceptibles de recourir à l’euthanasie, sans que l’on ne travaille sur les déterminants de fond (isolement, violences, discriminations…). Ainsi, dans une société qui éduque les femmes au sacrifice de soi au profit des autres, l’injonction à ne pas prendre trop de place peut trouver son incarnation ultime dans une demande d’euthanasie pour ne pas trop peser sur les autres.
Capitalisme en crise et fascisation de la société
Dans ce projet de loi, l’« aide à mourir » – terme euphémisant – pourra être administrée dans les EHPAD, les centres médico-sociaux, les unités psychiatriques, voire les prisons. Alors que l’on connaît les taux de maltraitance dans les établissements de soin, qui doivent fonctionner avec toujours moins de moyens. Plutôt que de renforcer les moyens des établissements de soin et construire un accès à une vie digne, l’euthanasie peut alors constituer la porte de sortie face à l’enfermement et à l’isolement social. La crise du capitalisme, aggravée par des politiques d’austérité, de privatisation et de militarisation, peut faire de l’« aide à mourir » un outil de gestion sociale pour les capitalistes, qui y voient un moyen de réduire les coûts et d’éliminer les « charges » humaines.
Notre boussole est notre analyse matérialiste des rapports sociaux, ne nous leurrons pas derrière des mots d’ordre idéalistes et prétendument progressistes : dans une société toujours plus inégalitaire, la priorité n’est pas de légiférer pour précipiter la fin de vie mais de lutter pour des conditions de vie dignes pour tous et toutes, notamment via l’accès à des soins de qualité et à un accompagnement qui apaisent les souffrances. Pour une société inclusive et égalitaire. Il ne peut y avoir de « mort digne » sans permettre d’abord une vie digne.
Union communiste libertaire, le 13 mai 2025