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Alors normalement ils faisaient grève. Finalement y avait pas besoin.

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Le Point, no. 2751 Société, jeudi 17 avril 2025 1924 mots, p. 60,61,62,63

Quand la sécurité ferroviaire déraille

Lionel Lévy et Alfred Lemaître

Laisser-aller. Les tests médicaux et psychologiques obligatoires pour être employé par les chemins de fer sont massivement contournés. Enquête.

Il aura fallu plusieurs jours pour que l'employé avoue : " Mon test psychologique ? Je l'ai eu en cinq minutes contre 700 euros en liquide. " Quand Jérôme Haize, responsable qualité, sécurité et environnement dans l'entreprise de sécurisation des chantiers ferroviaires Les Sentinelles du rail, s'entretient avec cet " annonceur ", chargé sur le terrain d'avertir du passage des trains, il tombe des nues.

L'employé venait d' " oublier " huit ouvriers sur un tronçon ! " Non seulement il n'avait aucune conscience du danger, mais il assumait aussi parfaitement avoir passé un test bidon ", déplore-t-il. Licencié après l'incident, jugé inapte lors d'un nouvel examen, le resquilleur réussira pourtant à se faire réembaucher dans une autre entreprise... Un couac sidérant, qui n'est pas isolé.

Des contrôles plus poreux depuis 2006

Le secteur ferroviaire français, qui emploie plus de 350 000 personnes, exige des tests médicaux et psychologiques pour les quelque 50 000 postes liés à la sécurité - conducteur, aiguilleur, annonceur, technicien ou agent de maintenance sur les voies...

Depuis l'ouverture à la concurrence du fret en 2006, de nombreux opérateurs privés sont apparus, tous devant employer du personnel habilité. La libéralisation a rendu ces contrôles plus poreux : absence de fichier des candidats ajournés, flou juridique permettant de multiplier les tentatives.

56 médecins et 70 psychologues agréés

Auparavant centralisés à la SNCF, qui possède encore ses propres médecins, réputés très stricts, ces examens sont aussi confiés depuis 2010 à des praticiens externes, et des dérives sont apparues. Peu ou pas contrôlés, certains des 56 médecins et 70 psychologues agréés par le ministère des Transports délivrent sans vergogne des certificats de complaisance.

" Un tiers d'entre eux sont problématiques ", s'alarme le patron d'une entreprise ferroviaire. Une estimation ahurissante, que confirment pourtant au Point nombre de ses confrères, qui n'osent pas s'exprimer publiquement de peur d'être mis au ban des appels d'offres. " Les incidents se multiplient, souvent du fait de personnes qui n'auraient jamais dû se retrouver sur les voies. Nous sommes totalement démunis ", confie une autre source.

Dénonçant une baisse générale de la culture de la sécurité, certaines entreprises s'organisent, contactent les médecins, refont passer les tests... Des contrôles multipliés pour stopper les dérives et éviter des " événements de sécurité " dont elles seraient jugées responsables. Une tâche de plus en plus coûteuse, à l'heure où les prix des appels d'offres de SNCF Réseau ont baissé de 20 % en cinq ans.

20 000 " événements de sécurité " par an

L'Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF), qui veille au respect des normes, recense 20 000 " événements de sécurité " par an. Si la majorité des incidents sont mineurs, SNCF Réseau, qui dresse le bilan tous les ans, a compté sept accidents mortels de travailleurs du rail en 2023 et 2024, au point de déclencher au printemps dernier un programme dédié, " Nos vies, notre priorité ", afin de sensibiliser ses sous-traitants. Malheureusement, 2025 s'annonce mal, avec déjà deux agents décédés en janvier.

" Dans le ferroviaire, tout le monde connaît les médecins et les psys douteux. Les candidats et les formateurs se refilent la combine pour être déclarés aptes. C'est un secret de Polichinelle ",fulmine Ala El Haiba, chef de la production des Sentinelles du rail, qui propose des services de maintenance et de sécurisation des voies ferrées.

La CFA peu réactive malgré les nombreux signalements...

Selon nos informations, la Commission ferroviaire d'aptitude (CFA), émanation du ministère des Transports créée en 2010, chargée d' " instruire les affaires relevant de l'agrément des praticiens "et aujourd'hui sous la tutelle du ministère de la Transition écologique, est au courant de ces dérives. Mais elle est peu réactive, malgré les nombreux signalements... En 2017, lors d'une journée d'échanges organisée par la CFA, un psy agréé avait avoué rendre aptes la quasi-totalité de ses " clients ", à la consternation du public. Toujours en activité, son agrément a été reconduit en 2021.

Même apathie face à ce courriel, adressé par une entreprise ferroviaire le 1 er avril 2020, dénonçant des " certificats médicaux contradictoires pour les mêmes agents ",signalant de multiples fraudes (comme des " fausses poches d'urine ") ou des médecins " prenant des sommes importantes en liquide pour garantir les aptitudes ". L'alerte est restée sans réponse.

Silence radio, toujours, de la CFA comme du ministère, lorsque le rapport très étayé d'un cabinet de détectives privés, missionné par un centre d'aptitudes, leur est adressé en janvier 2024. Les enquêteurs se sont fait passer pour des candidats et détaillent la façon dont se sont passés leurs tests. Certificats délivrés sans consultation, entretiens psychologiques bouclés en dix minutes, résultats toujours positifs en dépit de réponses absurdes...

Interrogée, la commission ne se remémore aucune de ces alertes. " La CFA n'est pas responsable de l'agrément des praticiens ",esquive sa vice-présidente, Marie Josso, se réfugiant derrière le rôle consultatif de l'instance. " C'est au ministère de vous répondre ", coupe Danièle Reuland, sa présidente, invoquant un " devoir de réserve ".À croire qu'il n'y a aucun chef en gare...

Après avoir refusé un entretien, le ministère a fini par nous répondre par écrit, éludant la question des pratiques douteuses de certains praticiens et défendant sa commission. " Elle n'a pas de pouvoir de contrôle de ces professionnels de santé ",s'entête le ministère, oubliant que la mission de la CFA est gravée dans son règlement intérieur : " procéder à toute étude, élaborer et publier tout document, formuler toute recommandation utile portant sur le dispositif de suivi des aptitudes physiques et psychologiques " des personnels. Pourquoi un tel laxisme ?

Un business juteux pour certains médecins et psychologues

Pour les médecins et les psychologues, le rail et les aptitudes ferroviaires sont un business juteux. Les visites médicales et psychologiques se facturent entre 850 et 1 200 euros. Pour se faire agréer, il suffit de remplir un dossier en ligne. " Nous vérifions les protocoles mis en place ", affirme Anne Josso. Mais les contrôles in situ sont rarissimes. " Des psychologues ont été agréés sans avoir acheté de machine de tests ! Ils remplissaient leur dossier en se basant sur la documentation en ligne ",soupirent plusieurs praticiens.

Dans la pratique, au-delà des tests obligatoires - concentration, réactivité, stress -, il est courant, pour gagner du temps, de s'affranchir de l'entretien psychologique. Or " cet entretien poussé est indispensable,détaille Laure Dusart, psychologue agréée par le ministère. On peut très bien réussir les tests en situation de stress et se comporter comme un danger public avec les règles de sécurité. "

Problème : la durée de validité des tests

Autre difficulté, la durée de validité des tests : dix ans pour les conducteurs de train. " Rien que ça, c'est n'importe quoi,juge Éric Hess, psychologue agréé associé du centre d'aptitudes H et E Évaluations. Votre santé mentale peut radicalement changer sur la période. Aujourd'hui, on a potentiellement des dingos qui conduisent des trains. " " Il y a d'autres garde-fous, comme les visites de la médecine du travail ",tempère Jean-Damien Poncet, président du Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre.

Mais ce test psy irrite les travailleurs, qui préfèrent parfois refuser un arrêt de travail après un incident pour éviter de le repasser. " La moitié de notre rémunération dépend des kilomètres parcourus, détaille Frédéric Meyer, représentant Unsa chez SNCF Voyageurs. Ne plus rouler, c'est perdre la moitié de son salaire, alors le syndicat milite pour faire sauter ce verrou. Côté opérateurs au sol, c'est plus simple : une fois réussi, le test psy vaut pour la vie. " Rassurant...

Totem d'immunité

Certains médecins semblent bénéficier d'un totem d'immunité. C'est le cas du docteur El Hassan Lmahdi. Médecin du Sénat durant cinq ans (de 2019 à 2024), il s'est fait connaître du grand public pour avoir dévoilé l'affaire du chantage à la sextape à la Chambre haute (révélée par Le Canard enchaîné).

Agréé en mars 2022 à délivrer des aptitudes ferroviaires, il est nommé par le ministère membre de la CFA trois mois plus tard. " Sans rien connaître au domaine ",de son propre aveu. Licencié du Sénat en février 2024 pour avoir cumulé ces emplois, il démissionne de la commission mais conserve son agrément.

Son cabinet affiche des taux records d'aptitudes. " Seuls 10 à 15 % des candidats reçus sont inaptes ", explique-t-il. Soit trois fois moins que ses confrères. Et pour cause... Le 14 août 2023, selon nos informations, le médecin a fourni un certificat à un candidat sans même l'avoir vu. En septembre 2024, il en délivre un autre à une personne déjà recalée deux fois ailleurs pour une pathologie incompatible avec les métiers du ferroviaire. " Ça ne me dit rien. C'est impossible ",dément le médecin.

Le Far West des formations

Côté formation, c'est encore pire. Les organismes fantômes pullulent, une tendance qui s'est accélérée depuis juin 2024, alors que l'EPSF n'est plus tenu de les agréer. " Les métiers du rail promettent des emplois stables et des salaires alléchants ", explique Julien Bocquet, président de Sages Rail, PME spécialisée dans l'expertise et la sécurité du rail. " Des sociétés louches profitent de la misère sociale, vendent le ferroviaire comme un eldorado à des populations sans aucune qualification. "Un Far West ?

Ces formateurs racolent sur Snapchat, TikTok ou Instagram. " Un métier facile à 4 000 euros par mois, ça vous tente ? " vante ainsi un organisme sur TikTok. Les formations sont éligibles aux aides de France Travail ou de feu le CPF. " Tout le système est vérolé. Allez dire non à un opérateur qui a financé la formation de 20 candidats à l'embauche ", se désole une psychologue. Écoeurée, elle a préféré quitter le ferroviaire.

5 000 euros par personne placée

Idem du côté des jeunes recrues qui se saignent pour payer leur formation. " Cela incite à trouver des praticiens complaisants ",souligne un formateur. Ou d'autres relais douteux, afin de caser les candidats en entreprise. Des patrons ont dû renvoyer des collaborateurs qui se faisaient graisser la patte pour chaque personne placée. Un chef de la sécurité évoque 5 000 euros par tête. Ailleurs, une autre se faisait payer en sacs Vuitton.

Plusieurs montent même leur propre société de formation. " Je suis inondé de centaines d'e-mails de candidats. Certains organismes vendent nos données personnelles ",s'insurge Julien Bocquet. Ou elles sont échangées sous le manteau : de 200 à 300 euros l'e-mail ou le numéro de téléphone. " Quelqu'un a même usurpé mon identité en promettant un poste à des candidats crédules, s'énerve Ala El Haiba. Déçus de ne pas être embauchés, ils sont venus m'attendre en bas de l'entreprise... " Le cadre a porté plainte.

" Il y a des dérives dans tous les systèmes, mais je connais suffisamment les patrons des entreprises ferroviaires pour savoir qu'ils sont sensibilisés à la sécurité comme à leurs responsabilités ", temporise Laurent Cébulski, directeur général de l'EPSF.

Plus aucune barrière à l'entrée

Une vision qui ne convainc pas tout le monde : " Ce secteur mérite un sacré coup de balai ",tacle le psychologue agréé Éric Hess. Et l'avenir n'augure pas de rails plus sûrs : la STI OPE, le règlement européen qui vise à assurer l'interopérabilité du rail, prévoit que, à partir de 2025, seuls les conducteurs devront passer par des praticiens agréés. Les opérateurs au sol pourront être déclarés aptes par n'importe quel médecin ou psychologue. Il n'y aura ainsi plus aucune barrière à l'entrée. Une décision que la majorité des entreprises ferroviaires regrettent, même si elle devrait permettre, en théorie, des économies substantielles.

En Allemagne, où les exigences pour qualifier les conducteurs et agents sur voies ont été réduites depuis la libéralisation du marché ferroviaire, plus d'un tiers des trains n'arrivent plus à l'heure, et les incidents et accidents sont montés en flèche. Au-delà des structures vieillissantes, le facteur humain reste essentiel, soulignent différents rapports. Nous voilà prévenus

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Je ne cautionne pas ces propos stupides et qui occultent volontairement la situation au sein du groupe SNCF d'un décrochage des salaires sur plus d'une décennie (dépasser une inflation sur une année bien choisie, qui a bien baissé, alors que le salaire réel a pris -15% en dix ans, pas de quoi sabrer le champagne) et de difficultés croissantes de recrutement. Plusieurs journaux ont de telles tribunes à chaque mobilisation des cheminots.

CHRONIQUE. Plusieurs organisations menacent d'une grève durant le week-end du 8 mai. Avec des arguments qui confinent au surréalisme.

D'un long week-end à l'autre. Lundi 21 avril, alors que beaucoup de Français s'apprêtaient à prendre le train pour rentrer à leur domicile et que la mort du pape François occupait de nombreux esprits, le secrétaire fédéral du syndicat SUD-Rail, Fabien Villedieu, était occupé à tout autre chose. Il défendait l'indéfendable, avec des arguments que l'on peut, si l'on est décidé à garder son calme, qualifier de discutables. Par exemple : « nous avons fait l'effort » de ne pas faire grève pendant les vacances scolaires, alors « il va falloir nous dire quand on a le droit de faire grève ».

Cette fanfaronnade intervient après les propos tenus, ce week-end, par le ministre des Transports Philippe Tabarot, qui a appelé les syndicats « à la responsabilité pour éviter un conflit que les Français ne supportent plus ». Il réagissait aux multiples préavis de grèves déposés autour du pont du 8 mai , notamment de la part des contrôleurs. Il estime que leurs revendications ne sont « pas légitimes », car ceux-ci « ne sont pas les plus maltraités au sein de la SNCF ».

Pas les plus maltraités, mais les plus incontournables, puisqu'aucun TGV ni aucun TER ne peut démarrer sans la présence d'un contrôleur à son bord. Tout préavis de grève issu de leurs rangs provoque donc des sueurs froides, au ministère des Transports comme parmi les Français.

D'autant que le dialogue social, dont Fabien Villedieu se dit un « croyant », est devenu plus difficile avec l'émergence des « grèves Facebook » apparues en décembre 2022. Les contrôleurs se sont alors regroupés au sein d'un collectif baptisé CNA (pour « Collectif national des agents du service commercial trains »). Depuis, les syndicats leur courent après, de peur de se faire distancer dans les instances de représentation.

Une « prime de travail » multipliée par quatre

SUD-Rail, deuxième syndicat chez les contrôleurs, a le ministre des Transports dans le collimateur. Celui-ci, quand il siégeait encore au Sénat, en décembre dernier, avait déposé et fait voter une proposition de loi destinée à empêcher les grèves à l'approche des périodes de grands départs. Ce texte, qui n'a, pour l'heure, pas été présenté à l'Assemblée nationale, prévoit de suspendre le droit de grève dans le secteur des transports lors des vacances scolaires de la Toussaint, de Noël, d'hiver, de printemps et d'été, ainsi que durant les week-ends prolongés.

SUD-Rail, par la voix de son secrétaire fédéral, considère que le ministre « met de l'huile sur le feu ». Mais de quel feu s'agit-il ? Les négociations salariales à la SNCF ont apporté des revalorisations salariales supérieures à l'inflation. Insuffisant pour convaincre les syndicats concernant les contrôleurs, qui ne veulent plus de changements de plannings et se battent pour leur « prime de travail ». « Prime de travail » ? Il s'agit d'un étrange concept, où l'on est récompensé, en sus de son salaire, pour avoir simplement accompli sa tâche. Or, cette prime est passée de 106 à plus de 400 euros en l'espace de quelques années.

Mais ce n'est pas assez, parce que la SNCF a commis un grave péché aux yeux de monsieur Villedieu et de ses camarades. L'entreprise publique a annoncé des bénéfices, il y a quelques semaines. Dès lors, le disque rayé des syndicats s'est remis à tourner...

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La CGT cheminots et SUD rail, qui appellent à la grève début mai, dénoncent le logiciel d'organisation des roulements et réclament une revalorisation des primes. Le groupe a réalisé un bénéfice net de 1,6 milliard d'euros en 2024.

Le mois de mai s'annonce particulièrement tendu à la SNCF. Lundi, la CGT cheminots a appelé les agents de conduite à une « semaine noire en Île-de-France », à partir du 5 mai. Le premier syndicat du groupe ferroviaire veut notamment remettre à plat la prime de traction, alors que le groupe ferroviaire est parvenu à dégager 1,6 milliard d'euros de bénéfices l'an passé. « A priori, les négociations annuelles obligatoires (NAO) pour 2025 n'auront pas lieu. On nous renvoie à 2026 », dénonce Thierry Nier, secrétaire général de la CGT cheminots. Celui-ci entend ainsi arracher « un calendrier de négociations sous contrôle des cheminots et du rapport de force. Nous dénonçons le côté archaïque du calcul des primes, qui ne prend pas en compte les évolutions des métiers depuis cinquante ans. Par exemple, en Île-de-France, cet élément de rémunération ne prend pas en considération l'interopérabilité du réseau entre la SNCF et la RATP, avec des règles différentes. Cela est également valable pour les conducteurs transfrontaliers ».

Ainsi, la CGT cheminots propose une prime calculée en trois temps : un socle de base « garantissant la rémunération en cas d'arrêt maladie, d'inaptitude ou de baisse du plan de transports » ; le versement d'une prime de technicité en fonction du matériel roulant et l'instauration d'une prime production « variable en fonction de l'amplitude de travail et du travail de nuit ». Représentant autour de 25 % de la rémunération des cheminots, ces primes seraient ainsi revalorisées « de l'ordre de 20 à 25% pour les conducteurs de TER et de 5 à 10 % pour ceux des TGV et liquidables lors du départ en retraite », précise le cégétiste. En 2022, une pétition de la fédération CGT, appuyant ce projet de refonte, avait récolté les signatures de près de 50 % de l'effectif de conduite et des contrôleurs de la SNCF. Contactée, la SNCF Voyageurs assure que « la direction a reçu et dialogué avec toutes les organisations syndicales représentatives ». Et, à la suite des NAO de fin 2024, « il a été acté une augmentation des salaires en 2025 en moyenne de + 2,2 %, supérieure à l'inflation, donnée à + 1,5 % cette année ».

« L'entreprise restructure en permanence ses effectifs »

« La SNCF est l'entreprise ferroviaire la plus rentable d'Europe, avec 5,3 milliards de bénéfices cumulés sur trois ans. Cet argent n'est pas redistribué aux cheminots, alors que les taux de croissance des trafics ferroviaires explosent de 10 % », rétorque Fabien Villedieu (SUD rail). Son syndicat, qui réclame des hausses de primes d'au minimum 100 euros mensuels, appelle à l'action les agents des dépôts le 6 mai et les conducteurs le lendemain. Puis, en lien avec le collectif national des ASCT (agent du service commercial trains), les contrôleurs sont incités à faire grève du 9 au 11 mai. Ce collectif, né sur Facebook, était à l'initiative des mouvements très suivis de Noël 2022 et février 2024. Si, pour l'heure, les calendriers divergent, la CGT cheminots et SUD rail dénoncent d'une même voix les conséquences des nouveaux logiciels de déroulement des journées des conducteurs et contrôleurs, entrés en vigueur entre 2024 et 2025. « La SNCF maximise ses bénéfices en restructurant en permanence ses effectifs. Ces logiciels optimisent la gestion des corps de métier roulants mais pourrissent la vie de ces agents, insiste Fabien Villedieu. Les amplitudes horaires ont augmenté et les embauches et fin de journées sont modifiées constamment, avec des impacts sur la vie sociale et privée des cheminots. »

De son côté, la SNCF Voyageurs affirme que « des avancées ont été faites, concernant les conditions d'exercice du métier de chef de bord TGV : une réduction de 25 % des notifications reçues de la part de l'outil de gestion des commandes, une visibilité accrue sur les repos six mois à l'avance et non plus trois, un engagement de réponse en sept jours à toute demande de congés isolée ». Pas de quoi convaincre Thierry Nier : « L'opacité reste de mise et les promesses ne sont pas complètement tenues. » Le secrétaire général de la CGT cheminots rappelle que les cheminots sont « soumis à un contexte concurrentiel qui conduit à des logiques de productivité à tous crins, fortement ressenties chez les conducteurs et contrôleurs ». Et souligne que « le préavis déposé sur l'axe TGV Sud-Est du 6 au 10 mars, avec près de 75 % de grévistes sur la période chez les contrôleurs, était une première alerte qui n'a pas été entendue ». La CGT cheminots sera aussi partie prenante de la mobilisation interprofessionnelle, début juin, prévue par la confédération de Montreuil (Seine-Saint-Denis).

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27 locomotives et 180 voitures couchettes ?! Bonne surprise.

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Du 5 mai au 15 juin, SNCF Gare et connexions organise une concertation publique au sujet de la future halte ferroviaire de l’aéroport Nantes-Atlantique. La question de son emplacement précis reste, par exemple, à définir.

L’État a annoncé la création d’une halte ferroviaire pour desservir l’aéroport Nantes-Atlantique à l’horizon 2032. Elle sera implantée le long de l’actuelle ligne Nantes – Saint-Gilles-Croix-de-Vie/Pornic. Elle devrait bénéficier de soixante arrêts par jour, du lundi au vendredi, soit un train toutes les trente minutes dans chaque sens, entre 6 h et 21 h. Une desserte importante, mais qui ne sera possible qu’une fois les travaux de modernisation de cette ligne effectués.

Si le cadencement des trains est fixé, il reste à concrétiser l’emplacement précis de cette halte. Selon le maître d’ouvrage, SNCF Gare et connexions, deux hypothèses sont sur la table, à proximité l’une de l’autre, à Bouguenais. La première possibilité est à l’intersection de la voie ferrée et de la route reliant le périphérique à l’aéroport ; la deuxième est plus au nord, près du site Airbus. Car s’il s’agit bien de desservir l’aéroport, c’est aussi l’occasion de développer l’offre de transports en commun dans la zone économique attenante, qui compte 11 000 salariés.

Une réunion publique

Ce projet fera l’objet d’une concertation publique, du lundi 5 mai au dimanche 15 juin. Cette étape donne aux habitants, usagers et parties prenantes, l’opportunité de s’informer, de dialoguer et de contribuer à ce projet. Une réunion publique est organisée mercredi 14 mai, à 18 h 30, au Technocampus ocean, à Bouguenais. Elle sera retransmise en direct sur le site de la concertation , sur lequel on peut retrouver la présentation complète du projet.

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Andelot, Dole, Saint-Claude (Jura) - envoyée spéciale - Les portes se ferment, et une voix enregistrée égrène les arrêts. Mouchard, Champagnole, Champagnole-Paul-Emile-Victor, Chaux-des-Crotenay… les noms sonnent comme une chanson de Charles Trenet. Dans l’unique voiture du TER de 10 h 14, ce mardi de fin mars, une quinzaine de voyageurs ont pris place à bord du train du Haut-Jura. Quelques retraités, des salariés, des lycéens et des étudiants qui se laissent vite bercer par le bruit de la locomotive diesel, pour deux heures trente et une minute de trajet en direction de Saint-Claude (Jura). A Andelot, le TER se transformera en ligne des Hirondelles, roulant sur une voie unique pour traverser une vallée enclavée, celle de la Bienne. Soit 73 km de voies perchées passant de 450 à 948 mètres d’altitude, via 36 tunnels et 18 aqueducs.

Par la fenêtre, les paysages de feuillus encore nus succèdent aux forêts de sapins et d’épicéas, puis les prairies peuplées de vaches montbéliardes laissent place aux vieux bâtiments industriels d’usinage et de fonderies. Sébastien (il n’a pas souhaité donner son nom), conducteur de 45 ans au fort accent franc-comtois, surveille les rails, tenant son manche comme un vieux joystick, et klaxonne quand il aperçoit des équipes d’entretien en train d’élaguer. « La dégradation, je l’ai vécue petit à petit. Cela fait au moins trois ans qu’il n’y a pas eu de gros travaux sur cette voie », note l’agent de la SNCF. Avant de confier sa crainte que la ligne ne ferme, vu son état.

La voie ferrée, plus que centenaire, n’a pas été refaite depuis soixante-dix ans. Avec ses ouvrages d’art (soit les ponts, tunnels et autres viaducs) nombreux mais vétustes, ses traverses usées, ses versants abîmés par les intempéries, son état suscite des inquiétudes. Dans certains tunnels, les rails datent du siècle dernier et les voûtes connaissent une corrosion importante. Sans parler des versants qui doivent être refaits. Avec ses événements extrêmes qui se répètent, le réchauffement climatique accentue la fragilité des petites lignes. « Trois quarts des ouvrages d’art, quatre versants sur huit et 25 % de la voie sont à traiter », reconnaît la direction régionale de SNCF Réseau, le gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire.

La dégradation n’est pas que matérielle, elle touche aussi l’offre pour les voyageurs depuis l’arrivée du TGV Rhin-Rhône en 2010, puis celle du Lyria en direction de la Suisse, relève la Fédération nationale des associations d’usagers des transports. La SNCF a alors réaménagé les horaires, privilégiant les passages des trains rapides. Des TER ont été supprimés, certaines correspondances ont disparu des grilles horaires.

« Spirale du déclin »

« Avant on pouvait faire un aller et retour Saint-Claude-Paris dans la journée, c’est devenu impossible. Ils ont laissé se dégrader cette voie classique d’irrigation de zone rurale », remarque Patrick Réal, vice-président de la section régionale de la Fédération. La fréquentation a commencé à chuter. La « spirale du déclin », comme la nomment les cheminots, s’est enclenchée : moins de trains, des gares qui ferment, des billets accessibles seulement sur Internet ou au bureau de tabac, et des tronçons effectués en car à certains horaires.

La petite ligne est pourtant essentielle à la survie de cette vallée enclavée. Celle-ci est encore animée par un tissu industriel d’usinage et de robotique, par deux lycées professionnels de lunetterie et de la filière bois et des exploitations laitières pour la fabrication du comté. « Le chemin de fer est indispensable à notre territoire en cul-de-sac. On a une clientèle d’étudiants qui vont à la fac à Dijon ou à Besançon. S’ils n’ont pas de train, ils abandonneront leurs études », s’alarme Jean-Louis Millet, maire (divers droite) de Saint-Claude qui a déjà perdu sa maternité et pleure la fermeture de la partie sud de la ligne. L’élu, ex-villiériste, précise que le train continuait en effet vers Oyonnax (Ain) jusqu’en 2017, année où ces 31 kilomètres ont été condamnés par manque d’entretien : la ligne chevauchant deux régions (Bourgogne-Franche-Comté et Auvergne-Rhône-Alpes), les collectivités locales n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur un financement partagé.

A la gare de Mouchard, une dizaine de militants socialistes font irruption dans la rame, une pétition à la main. Intitulée « Ma petite ligne de train, j’y tiens »,c’est un appel à l’aide de la région – dirigée par le Parti socialiste (PS) – expliquent-ils aux voyageurs : le conseil régional ne peut assumer seul les besoins de financement pour la rénovation des lignes de desserte fine du territoire, désormais sous la seule responsabilité de la collectivité locale. Celle des Hirondelles, déclassée, n’est plus considérée comme « structurante » pour le territoire et son entretien échoie depuis janvier 2024 à la seule région. Les signatures sont vite recueillies. Parmi la vingtaine de voyageurs à bord, mis à part deux couples qui font le trajet en touristes, tous disent avoir une raison impérieuse de prendre le train. Hind Kerrour, interne en 2de optique lunetterie, fait le voyage jusqu’à Morez deux fois par semaine : « S’il n’y avait pas le train, je ne saurais pas comment faire. Je n’ai pas de permis et c’est trop long pour mes parents », indique la jeune femme aux longs cheveux bruns.

Un rang plus loin, Gaël Guillot explique que la voiture est trop chère pour faire les trajets nécessaires aux visites de clients : « J’ai une vieille voiture qui pollue. Avec le rail, on est plus en sécurité que sur la route, et c’est moins de stress et plus écolo », assure le quinquagénaire roboticien. Même avis pour Adrien Dufour, gendarme de 27 ans, qui rejoint son domicile à Champagnole : « On nous rabâche sans cesse avec l’écologie. Ce serait bien qu’on nous laisse le peu de trains qui restent. C’est notre système de transports en commun. »

Les Hirondelles ont une fonction sociale indéniable dans cette vallée ouvrière. Ici les revenus demeurent modestes et les habitats aperçus à Morez, à Champagnole ou à Saint-Claude – beaucoup de HLM et de petits pavillons – en attestent. « La clientèle n’a pas un gros pouvoir d’achat, on a beaucoup de cartes solidaires[destinées aux bénéficiaires des minima sociaux] et de lycéens en bac technique. C’est vraiment une ligne d’utilité publique, le jour où elle s’arrête… », insiste Stéphane Calafato, contrôleur de 50 ans.

« Sous-investissement »

La menace s’est faite plus précise depuis les injonctions de l’Etat aux collectivités à faire des économies. La ligne de desserte fine du territoire du Haut-Jura n’est plus rentable. « On a six lignes critiques en Bourgogne-Franche-Comté. Sur les Hirondelles, jusqu’à présent, on n’a fait que du rafistolage pour éviter des ruptures. Mais ce n’est plus possible, c’est de l’eau dans du sable », remarque Michel Neugnot, vice-président (PS) de la région chargé des transports. Dans le contrat de plan Etat-région, seuls 5 millions d’euros sont prévus pour son entretien. Largement insuffisant, selon les plans affichés par SNCF Réseau, qui estime les besoins de « régénération » à 90 millions d’euros au minimum : « Nous faisons les meilleurs efforts pour tenir les quatre allers et retours quotidiens. Notre job, c’est de construire des plans de transport en faisant circuler les trains en sécurité. Depuis deux ans, nous ne faisons que des travaux d’urgence », relate Maxime Chatard, directeur territorial de la filiale en Bourgogne-Franche-Comté. Et d’appuyer : « Si aucuns travaux importants ne sont entrepris d’ici à 2026, il n’est pas impossible qu’une suspension intervienne. » Une manière de renvoyer la balle à la région.

Cette dernière dit réserver sa décision de pérenniser la voie aux résultats d’une expertise confiée, en février, au Commissariat général au développement durable par le ministère des transports sur l’ensemble des lignes de desserte fine de Bourgogne-Franche-Comté. En attendant, le nombre de voyageurs empruntant les Hirondelles est un sujet tabou, SNCF Voyageurs et le conseil régional refusant de communiquer sur le sujet. La région Grand-Est, à majorité Les Républicains, a, elle, fait le choix de rouvrir des petites lignes. De quoi redonner de la vigueur aux usagers des « Hirondelles ».

Une partie des élus de gauche et écologistes s’interrogent sur le réel engagement de la présidence de la région. Est-ce que l’objectif de la mission n’est pas de montrer que la ligne n’est plus rentable pour un service quotidien et de la transformer en chemin de fer touristique ? Une « petite mort » en quelque sorte. « Toutes ces lignes sont en danger à cause du sous-investissement. On n’est pas à la hauteur. J’espère que la mission n’est pas une manière de botter en touche… », observe Claire Maillard, présidente du groupe écologiste à la région Bourgogne-Franche-Comté. Willy Bourgeois, vice-président de la région chargé de la formation et de la communication, explique que la seule solution est le retour de l’Etat : « Le réseau de transport est structurant pour la vie des gens et la vie économique de nos vallées. Il doit rester de l’ordre du régalien car c’est aussi cela faire nation. » Et de prévenir : « Le Jura est le seul département où le Rassemblement national (RN) n’a pas fait élire de député en 2024. Fermer les Hirondelles, c’est un risque énorme. »

Le RN est en effet aux aguets, accusant Paris de délaisser les territoires ruraux : « On a déjà l’hôpital de Saint-Claude qui meurt et beaucoup de fermetures de classes. Il n’y a plus de continuité du service public et nos villages périclitent à cause de ça »,assure Gilles Guichon, délégué départemental du RN et candidat défait à la législative partielle du 6 avril dans la 2e circonscription du Jura.

Pour le trajet du retour vers Dole, l’arrêt à Champagnole se fait définitif : un vieux car Mobigo prend le relais tandis que la rame fait demi-tour vers Saint-Claude. La plupart des voyageurs finissent le voyage en voiture, grâce à un proche venu les chercher. « Quand je vous dis qu’on fait tout pour dégoûter du train… », souffle Stéphane Calafato.

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Une ligne de chemin de fer ne meurt pas d’un coup, elle agonise doucement. Quand les travaux nécessaires tardent, SNCF Réseau, filiale de la SNCF, gestionnaire de l’infrastructure ferroviaire, « impose des limitations de vitesse pour garantir la sécurité des voyageurs ». On ne roule pas à plein régime sur une voie trop vieille. On finit par rouler au pas, puis par ne plus rouler du tout. Selon les données obtenues par Le Monde auprès de SNCF Réseau, sur les 7 600 kilomètres de petites lignes – on parle de lignes de desserte fine du territoire –, 1 200 km sont concernés par une limitation de vitesse et 500 km « font l’objet d’une suspension des circulations, dans l’attente de projets de régénération » qui ne seront peut-être jamais engagés, faut de financement.

Faut-il continuer à maintenir des voies peu utilisées ? Ou faut-il investir pour qu’elles le soient davantage ? Le débat fait rage depuis des décennies et suscite des « réactions passionnelles parfois inversement proportionnelles à leur fréquentation », remarque François Philizot, ancien préfet et auteur d’un rapport en 2020 qui a jeté les bases d’une nouvelle organisation du financement de ces lignes, victimes d’un sous-investissement chronique.

Peu avant, en 2018, le rapport de Jean-Cyril Spinetta sur l’« avenir du transport ferroviaire » avait prescrit un traitement de choc : une fermeture pure et simple du « réseau obsolète constitué par les lignes dont la rénovation n’est pas justifiée d’un point de vue socio-économique ».« On ne décide pas la fermeture de 9 000 km de lignes depuis Paris sur des critères administratifs et comptables. Dans bien des territoires, le rail est au cœur de la stratégie des régions pour le développement des mobilités », avait rétorqué le premier ministre d’alors, Edouard Philippe.

« On a stabilisé le paysage »

C’est finalement une voie médiane qui a été choisie, celle esquissée par le rapport Philizot. Notant à son tour « un retard d’investissement clairement imputable à la politique ferroviaire des années 1980-2005 », il déplorait également que « les régions portent la majeure partie du coût de régénération de ces lignes ».Le rapport Philizot préconisait de hiérarchiser les 9 137 km de lignes de desserte fine alors comptabilisés, et d’en diversifier le financement selon leur fréquentation, leur importance et leur potentiel. La majorité d’entre elles sont demeurées dans l’escarcelle des régions, chargées de les rénover dans le cadre des contrats de plans Etat-régions, destinés, entre autres, à s’entendre sur les grands investissements.

Une partie a intégré le réseau structurant : depuis 2024, 1 475 km d’entre elles sont financés intégralement par SNCF Réseau, comme le sont toutes les grandes lignes. Enfin, 933 km de lignes à faible trafic ou d’« intérêt local » sont désormais à la charge intégrale des régions, qui peuvent même en récupérer la gestion, voire la propriété.

Les petites lignes sont-elles sauvées pour autant ? « On a stabilisé le paysage, mais le réseau reste fragile », analyse M. Philizot. « Les rapports Philizot et Spinetta ont permis une prise de conscience, puis une amélioration de l’état des petites lignes. La situation a été clarifiée, il y a eu un sursaut financier avec le plan de relance post-Covid, puis à la faveur d’avenants dans les contrats de plans Etat-régions » , résume Patricia Pérennes, économiste des transports et consultante au sein de la société de conseil Trans-Missions, qui note qu’aucune ligne n’a été fermée depuis. Mais la baisse des dotations de l’Etat aux régions et la crise des finances publiques risquent fort de menacer cette courte embellie.

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